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jeudi 21 septembre 2023

Je vous aime ...


 Je vous aime ... (enfin surtout quand vous gaspillez votre fric à enrichir TF1)



Vous imaginez 
tout de suite sur votre compte


... appelez, appelez tout de suite le 7.13.13, il y a 15 miiille euros à gagner. On sait que vous avez besoin d'argent pour la rentrée, alors commencez par vider votre compte sur le 7.13.13 et vous allez recevoir tout de suite sur votre compte 15 000 € net d'impôts. 

Parce que nous on est comme ça !!! Non mais ...


Alors appelez tout de suite le 7.13.13 !!!

mercredi 20 septembre 2023

Nos qualités de coeur et d'esprit, nos compétences ...

Nous, femmes du XXIème siècle voulons être reconnues pour nos qualités, nos aptitudes et compétences et non comme objets sexuels, c'est pour cela que nous affichons nos diplômes :

Laetitia casta : avec un CV pareil, elle trouvera vite un employeur et un salaire pour se procurer de quoi se couvrir


Festival de cannes 2023 : mise en forme de CV avec la nouvelle peau lisse de caractère


vendredi 19 septembre 2014

... de la téléréalité !



Morceaux choisis de la séquence confession

Avertissement préalable: toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. Seuls le langage et  la grammaire sont  authentiques.

Clara – 18h12 - : il me dit qu’il la regarde pas, mais moi j’ai bien vu avec mes yeux qu’il s’intéresse à elle. Parce que pour moi la fidélité, c’est même plus important que… que… que mon smartphone, par exemple, c’est pas rien quoi ! Alors faut qu’il arrête de raconter des salades et que si Samantha elle lui plaît, et ben qu’il le dise quoi. Parce que moi je suis pas jalouse, c’est pas beau la jalousie, mais quand je vois ça je lui arracherais les yeux quoi !
Samy – 18h18 - : il faut qu’elle comprenne que dans la vie y’a l’amitié et puis l’amour. Elle mélange tout. Même si tu couches avec une fille ça t’empêches pas d’être son ami et si tu couches pas ça t’empêches pas de l’aimer. C’est plus rare mais y’a des mecs qui y arrivent. Les nanas c’est super mais c’est surtout super compliqué.
Clara - 18h24 - Même si je lis pas dans son dos, on voit bien de loin qu’il pense à elle. Alors voilà, je pense que trop c’est trop, parce que je pense qu’il a été trop loin. Voilà! C’est trop dur quoi. Parce que nous les filles on a not’ sensibilité et qui faut pas jouer avec, quoi ! C’est vachement important.
Samy – 18h27 – C’est trop nul cette histoire ? J’arrive pas y croire. Tu crois passer une soirée super géniale et puis t’as une fille qui déboule la mine en rideau, qui te ruine l’ambiance parce qu’elle croit que tu dragues sa copine. D’ailleurs je vois pas où est la mal. Elle était même plus avec son ex depuis longtemps, depuis au moins hier, tu te rends compte. Y’en a qui aime faire des histoires pour rien.

BC l’animateur – Vous l’aurez compris le torchon brûle entre Clara et Samy. Les choses vont-elles s’arranger, vous le saurez demain. Le suspens reste entier. Pour l’heure il est grand temps de passer à l’annonce des nominations. Et oui ! Le moment tant redouté est arrivé. On retourne dans la maison.
….

Ici la voix – L’heure est venue pour l’équipe des « vautrés » de procéder aux nominations. Ce soir c’est l’équipe des « avachis » qui est sur la sellette. Clara qui nomines-tu en premier ?
Clara : Et bien moi je nomine Samy, parce que j’ai rien cont’ lui, mais je pense qu’il a été assez lamentable quand il a raconté à Elodie que si Samantha était avec Mario, c’est parce que Lydia avait dit à Samy qu’il n’en pouvait plus de voir Samantha faire la mijaurée devant Mario. C’est trop grave. Moi c’est quelque chose que je supporte pas. Quand on est avec une fille, on dit pas qu’on est avec une autre, parce que ça laisse penser que t’es pas sincère grave quoi, alors que c’est pas vrai parce que t’as des vrais sentiments quoi ! Et moi j’ai des principes. Je supporte pas. Voilà !
La voix – les choses sont claires désormais. Samy qui as-tu décidé de nominer ce soir ?
Samy – Et bien moi j’ai décidé de nominer Clara. Je pense qu’elle pourrait faire un effort pour être un peu plus mieux avec les autres. Elle se prend pour une donneuse de leçons. Et moi je dis que c’est pas parce que tu vas avec une autre fille que t’es infidèle à ta copine. Moi je dis que dans la vie faut pas être égoïste. Si tu peux faire plaisir aux autres faut pas se gêner. C’est ça la vie en société. Et puis aussi elle s’habille trop mal et pour moi ça c’est trop mortel pour une nana qui veut plaire à son mec.

La voix – Voilà, c’est dit. C’est tout, pour le moment.

Pour sauver… etc … etc…tapez 1… tapez 2….

Au secours

Messieurs les présidents des chaînes commerciales, au secours ! Pitié pour les générations futures. Vous mettez en œuvre un véritable « jeunocide ». Vous sacrifiez des cerveaux aux neurones encore mal connectés sur l’autel de l’audimat. Ils vont vieillir en pensant que la finalité de la vie c'est de se caresser les fesses. Ils n'imagineront plus qu'on puisse avoir une vie intérieure plus riche que toutes les fortunes qui s’exhibent sur vos écrans. Vous les engagez sur le chemin d'une relation humaine réduite autour de la préoccupation de la marque de leurs sous-vêtements ou de leur smartphone. Ils n'imaginent pas qu'au lendemain de ces journées alanguies, épiées en continu par cent caméras, ils devront se mettre à chercher du boulot.

Tout le monde dans l’entonnoir

On garde quand même à l’esprit la finalité de ce genre de programmes. Ces sont des entonnoirs destinés à canaliser des esprits au discernement sommaire vers des spots publicitaires. Ils leur feront croire que la vie est belle et les conforteront dans l’idée que le bonheur c’est le pouvoir d’achat.
Les publicités sont ciblées, c’est le b-a ba du métier. Les spécialistes savent adapter le message à l’audimat pour les émissions intellectuelles de cet acabit. On y collera le nouveau smartphone  à 1€ et son forfait illimité, qui a ses limites qu’on ne dit pas, et qui permettra de voter pour Clara ou Samy, le CD débridé qui fera gonfler les portières de la Twingo avec ses basses d’enfer, le préservatif retardateur d’extase qui boostera les ébats dans les HLM.
Alors  les spécimens de l’audience ciblée ont les yeux obnubilés entre l’écran plat de 50 pouces, où les guiboles s’entrecroisent entre deux pages de pub, et celui de 5 pouces où les pouces tricotent des textos à cent à l’heure dans une langue vernaculaire. Tout en ayant une main dans le paquet de chips et l’autre sur la bouteille de coca,  il faut quand même saluer la prouesse. Les scores de Clara et de Samy explosent. La facture des vieux par la même occasion, car le forfait illimité a ses limites justement.


Les parents, quant à eux, auront droit eux-aussi à leur moment d’audience, quand les lardons ramollis  auront rendu la télécommande. On leur collera la mine réjouie d’un couple de jeunes-vieux qui vient de signer sa convention obsèques. C’est bien connu, c’est le bonheur intégral.


Du point de vue de …

Alors triste télé-réalité ou télé triste-réalité ?
Du point de vue de la chaîne, la question ne se pose pas puisque les recettes sont au rendez-vous. C’est l’essentiel. Tant pis pour les dégâts collatéraux.
Du point de vue de la cible, les douze-vingt ans, la question ne se pose pas puisque les vieux sont offusqués, c’est que c’est bon.
Du point de vue des vieux, la question ne se pose pas puisque, même offusqués, ils ont baissé les bras. Et pendant que les jeunes regardent ça, ils ne sont pas dans la rue à fumer des joints.
Du point de vue de l’animateur, il a réfléchi à la question. C’est une forme d’érudition qui émancipe les jeunes et les arme pour l’avenir futur de demain. D’ailleurs il s’est laissé dire qu’il y avait même des parents qui regardaient l'émission. C’est donc que cela manquait dans leur vie passée d’hier. Et, en plus, il ne fait pas ça pour le pognon. Il l’a dit dans le magazine télé. C’est une mission de promotion de la culture française. Ça saute aux yeux.
Du point de vue des profs, la question se pose mais il est 16h00, la journée est finie.
Du point de l’infirmière scolaire, la question n’est pas là. Elle a certes ressenti un certain mal-être chez les jeunes, mais en aucun cas cela n’a de lien avec ce qu’ils regardent à la télévision. Elle a noté en revanche qu’ils étaient très vigilants sur la marque des sous-vêtements de leurs copains.
Du point de vue de l’opérateur téléphonique, la question ne se pose pas, les appels ne sont pas le forfait. Ce sont les parents qui paient. Il y a d’ailleurs longtemps qu’ils n’ouvrent plus les factures. De toute façon ils feront appel à la commission de surendettement quand ils auront l’huissier à la porte.
Du point de vue du sociologue, la question se pose réellement. Il faut savoir s’approprier les phénomènes de société, les interpréter dans des groupes de parole pour s’interroger sur les vrais questions qui interpellent les jeunes. Et puis avant qu’une solution en sorte, un autre cataclysme sociétal aura renouvelé l’actualité.
Du point du médecin de famille, la question se pose mais c’est du domaine du secret médical. En attendant, je lui prescris un tranquillisant, de la vitamine C et veillez surtout veillez bien à ce qu’il ait toujours des préservatifs sur lui. Cela vaut pour elle, mais adaptez les doses. Et pour la cigarette docteur ? Je suis désolé je ne sais pas ce que j’ai fait de mon briquet.
Du point de vue de la police, la question ne se pose plus depuis que les agents en tenue ont des traces de pneus sur les godasses. Il y a des priorités.
Du point de vue du CSA, la question s’est posée, on a répondu. On imposera le logo interdit au moins de 10 ans en cas de double pénétration. Il ne faut pas non plus donner dans la censure.
Du point de vue de l’église, la question doit être posée. Mais cela relève du secret de la confession. Vient donc dans mon confessionnal, mon petit, le Bon Dieu t’attend pour ton repentir.
Du point de vue du psychiatre, la question n’a pas encore été posée. Il a encore les mains attachées dans le dos et du chatterton sur le museau.
Du point de vue des syndicats, la question reste en suspens. Ils ont fait jouer leur droit de retrait.
Du point de vue des associations, la question doit être mise sur la table. Mais il faudra que le gouvernement prenne ses responsabilités pour les subventions.
Du point de vue d’EDF, la question est résolue. Ça les fait travailler tard et dépasser leurs 32 heures, mais ils récupéreront.
Du point de vue de GDF, la question de la sécurité est une préoccupation permanente. Ça sent le gaz certes, mais là c’est à cause des pop-corn que les jeunes s’enfilent quand ils sont vautrés sur les canapés avec les bigarreaux scotchés sur l’écran plat.
Vous l’aurez constaté, la question mobilise les énergies. Une commission parlementaire va être désignée. On cherche un député qui ait payé ses impôts et au casier judiciaire vierge pour la présider. Ça prendra un peu de temps. En attendant, de l’intérêt il y en a, mais plus certainement sous forme d’agios sur les comptes des actionnaires de la chaîne.

Le message

Vous l’aurez compris, je me suis donc imposé de regarder des programmes de télé-réalité pour pouvoir aborder le sujet. Comme certains font des apnées du sommeil, je me suis mis en apnée cérébro-spinale pour placer mon intérêt sur la plastique de ces corps qui ne cachent rien de leurs formes ni de leurs tatouages. Le discours étant rudimentaire et réduit à la préoccupation de l’assemblage du
Yin et du yang, on ne perd rien à s’égarer sur les galbes de celles et ceux qui voudront pourtant être reconnus pour leur qualités intellectuelles et psychiques. Excusez du peu.
Le problème avec ce genre d’émission n’est pas qu’elles existent. Ce qui est grave est qu’elles aient de l’audience. Il y a donc des clients pour le dénuement intellectuel. La nature humaine est ainsi faite. Elle ne tend pas vers la difficulté qui grandit mais vers la facilité qui amoindrit. Ce n’est pas vraiment une surprise. Ce qui surprend c’est qu’à chaque nouvelle émission, alors qu’on croyait avoir touché le fond avec la précédente, on découvre horrifié qu’on peut aller encore plus bas. Les abysses de la pauvreté spirituelle et intellectuelle se creusent. On perd espoir de refaire surface.
En cherchant à positiver, on veut se persuader qu’il y a quelque chose à glaner dans ce genre de programme. Oublions la culture, ce n’est pas le genre de la maison.
Le suspens ? Certainement diront les adeptes. Qui « ira » avec qui ? Le temps d’une passade avant d’atteindre le fond de l’impasse.
De l’humour ? Du talent ? Que nenni.
Alors quoi ? Du romantisme ? Pas plus. Toute justification sentimentale à ces ébats sans équivoque relèverait de la même hypocrisie que la motivation politique des actes de terrorisme.
Qui peut imaginer qu’il y ait une once de vérité, de spontanéité de la part des protagonistes. Ils se savent sous l’œil des caméras jour et nuit, le micro en quête de confidence accroché au caleçon. Comment ne pas jouer un rôle ?
Imaginer qu’ils arrivent à oublier les caméras serait plus grave. Il ne s’agirait donc pas de rôles de composition et là ce serait la « cata ». Ils seraient donc comme ça dans la vraie vie. Il serait donc possible que nos sélectionnés, bientôt nominés et donc remisés, soient à ce point dépourvus d’autre idéal que celui de faire baver les ados avec leurs attitudes lascives et leurs comportements suggestifs.
Faut-il qu’aujourd’hui que la relation amoureuse soit vide de passion et d’émotion pour qu’elle doive désormais donner dans l’exhibitionnisme ?
J’ai cherché une bouée de sauvetage en me livrant à un zapping sauvage. Comme d’habitude les infos m’ont donné le bourdon. Il faut dire que cette surdose de mauvaises nouvelles ressassées en forme de marteau thérapie concoure grandement à la morosité ambiante de notre société moderne. J’ai donc décidé de donner dans le reportage. Et là pas de chance, je suis tombé sur « planète en danger ». J’ai alors enfin compris la raison d’être de la téléréalité. Elle a été créée pour distraire les téléspectateurs de leur condition de membres d’une civilisation en danger et leur faire oublier qu’ils en sont responsables.
 Il faut toujours chercher le bon côté des choses.


Allez à tchao les autruches.



vendredi 12 septembre 2014

... de l'art abstrait !



          Homo homini lupus est


Après s'être forgé la conviction, au fil des millénaires, que c'est l'intelligence qui le distingue de l’animal, l'Homme s'interroge désormais sur le bien fondé de cette conclusion prétentieuse. Il risque alors d'y avoir de sévères déconvenues pour ceux qui voyaient là le fondement de leur supériorité, sur l'animal justement. Quant à la hiérarchisation des membres de l'espèce humaine entre eux, on retombe là dans le rapport dominant-dominé, bien connu de la gente animale, en partant du principe qu’  « Homo homini lupus est » : l'homme est un loup pour l'homme. (Plaute – 195 avant J.C. Ce n'est pas d’hier)

De l'intelligence à la sagesse il ne pourrait y avoir qu'un pas. Sauf que si l'on consent à gratifier l'Homme d'intelligence, on ne va quand même pas pousser le bouchon jusqu'à lui conférer le diplôme de sagesse. Les choses ont bien évolué depuis l’antiquité où les proclamés philosophes pouvaient écraser le vulgum pecus de leur science infuse. Avec Internet, aujourd’hui tout le monde peut s’afficher comme sage donneur de leçon, inventeur d’application bidon, intellectuel pourfendeur de réputation. Je ne vais donc pas me gêner pour faire partie de tout ce monde-là.
Compression
César
Il suffit de voir comment tourne notre monde d’aujourd’hui pour se rendre compte que les cerveaux dits intelligents ne parviendront pas à enrayer l’ébullition de la planète bleue et encore moins l’engorgement des décharges publiques. Alors que l'animal, quant à lui, n'a pas fait grand chose pour faire réchauffer le climat. Bien qu'il se soit signalé un dépositaire de cette fameuse supériorité méningée ayant osé affirmer que les flatulences des bovins participent à aggraver l'effet de serre. Avec des arguments de ce calibre pour déculpabiliser l'espèce humaine, on est encore loin de la sagesse.



Alors puisqu'on parle d'intelligence et de sagesse, de confrontation homme-animal, et de décharge publique, évoquons ce qui de nos jours sort très souvent de cette dernière, avec pour vocation certaine d’y retourner, vous ne l’aurez pas encore compris mais je fais allusion à celles de ces œuvres de l’art dit contemporain qui entrent dans la sous-catégorie dite de l’art abstrait. Les cartésiens affublés du syndrome de Saint-Thomas passez votre chemin. Nous entrons dans le monde de l’irrationnel.
La suppliante
Pablo Picasso
Je me souviens d'une conversation avec mon chien – voici donc le vif du sujet - qui au cours d'une de ses envolées philosophiques - canine donc la philosophie - m'a fait comprendre que Dieu a inventé l'art abstrait pour donner une chance de popularité à ceux qui sont incapables de peindre une fleur. Ne parlons pas d’un paysage et encore moins d’un portrait. Quand La suppliante a vu son portrait par Picasso, on comprend aujourd’hui pourquoi elle implore le Seigneur. Et pourtant il avait bien commencé sa carrière le bougre. Ténor de l’abstrait, il avait connu son heure de gloire dans le figuratif.

Le décor est planté. Et moi donc ipso facto étiqueté par les galeristes de renom comme celui qui porteraient bien le seyant costume dit de la camisole. Encore que pour me rassurer, un copain, philosophe lui aussi, un cran au-dessous du niveau de mon chien, mais accessoirement as de la contrepèterie, me disait qu'il valait mieux avoir la camisole que l'avoir quasi mole. On en pensera ce que l'on veut mais dans certaines circonstances, l'humour est salvateur pour se distraire de la dure réalité.
Et mon chien de ne pas en rester là, de joindre le geste à la parole, lorsque traversant les allées d’une exposition d’art contemporain, il leva la patte sur une composition qui manifestement ne lui inspirait que ça. J'ai heureusement pu interrompre à temps cette entreprise méprisante de l'œuvre, avant que cette dernière ne soit souillée par mon philosophe à quatre pattes, et ainsi éviter de m'acquitter du prix affiché. J’en eus été fort marri. Pensez donc.
Bernard Lavier
FIAC
Vous l'aurez compris, l’objet de mes cogitations labyrinthiques nous conduit donc dans le domaine de l'art, de l’art dit contemporain, puisqu’il faut se faire à l’idée que l’art abstrait est celui qu’affectionnent particulièrement les générations actuelles. Il est donc question pour moi, vierge non seulement de signe astrologique mais aussi de toute étude artistique, je l’avoue en préambule, de tenter de comprendre ce qui fait qu'une bagnole accidentée passe du statut de rebut de la société de consommation à celui d'œuvre d'art. On se posera la même question pour une paire de godasses éculées qu’une de mes connaissances a acquise à prix d’or, au seul motif que quelqu’un l’avait décrétée œuvre d’art, ou pour tout autre objet de la vie courante qui, on ne sait par quelle alchimie, connaît la même promotion.

du figuratif vers l’abstrait


L’invention (puisque c’est le terme consacré) de certaines grottes préhistoriques nous a fait découvrir par la même occasion les prémices de l’art sur les parois des cavernes. On peut alors parler d’art naïf, à la fois car les talents des artistes étaient en devenir, encore que, mais aussi les techniques et les moyens de créer pour le moins rudimentaires. Ajoutons à cela que l’ambiance de « l’atelier », dans lequel pouvait surgir à tout moment le modèle, un tantinet affamé par plusieurs jours de jeune, n’était pas forcément propice à la captation de l’inspiration.
Naissance de Vénus
Sandro Botticelli
En franchissant les étapes à grands pas, de ce point de départ maladroit mais prometteur, jusqu’à la Naissance de Vénus de Sandro Botticelli, on ne peut que s’ébahir de l’émergence du talent de l’espèce humaine qui, dans le domaine pictural, passe sans heurt du maniérisme à l’impressionnisme, via le baroque et l’école de Barbizon.
Ce n’est qu’après que cela se gâte. Lorsqu’au début du siècle précédent nos artistes tombent dans le cubisme et qu’on découvre en autres La femme en pleurs de Picasso. On comprend alors la raison de son chagrin.
C’est donc bien notre période contemporaine qui enfante de l’art du même nom, lequel devient abstrait, on ne sait pourquoi.
Peut-être y’a-t-il malgré tout quelques explications.
Au premier rang desquelles on peut inscrire la démocratisation. Pas seulement en politique, et son incidence directe sur la vie sociale, mais dans tous les domaines, y compris artistique, avec en corollaire l’émergence du droit sur le devoir. L’égalité instaurée entre tous les citoyens annihile la notion d’élitisme. Le vulgaire a droit à sa reconnaissance même s’il en oublie le devoir de compétence. C’est le triomphe de la médiocrité que cultive à merveille nos médias.
La Femme en pleurs
Pablo Picasso
S’instituer artiste en pondant des horreurs, en décrétant que des détritus anarchiquement assemblés deviennent œuvre d’art, c’est une chose. Y acquérir la célébrité en est une autre. C’est là qu’entre en action le processus de valorisation des déchets. Il faut alors entrer dans le cercle du snobisme sentencieux et gagner la faveur de ceux qui ont déjà pignon sur rue dans le domaine pour pouvoir justement décréter et instituer. En forme d’intronisation.
Au temps de la Renaissance italienne, l’œuvre s’imposait à ses contemplateurs. Elle faisait éclater au grand jour le talent de son créateur. De nos jours ce n’est plus possible, on comprend pourquoi. Une composition quelconque doit donc être instituée par un processus complexe pour recevoir le qualificatif d’œuvre d’art. Il faut en décider. L’œuvre ne peut plus s’imposer d’elle-même, comme un objet d’admiration, puisque dénuée de tout génie créatif.
En parlant de génie, s’ouvre immédiatement le débat sur l’approche subjective du thème. Qui peut qualifier de génie ? Où est la frontière entre le génie génial et le génie schizophrène ? La déraison est-elle dénuée de talent ?
Mais au final là n’est pas la vraie raison. Le sens caché de tout cela se trouve dans l’agacement de la minorité affranchie à se voir rejointe dans son pouvoir de discernement entre le beau et le laid par le vulgaire. Je veux parler du bas-de-plafond de l’espèce, l'homo vulgaris trainesavatus, qui se prend à faire des études pour le plus inspiré, à surfer sur internet pour le plus éreinté. Admirer la beauté, s’ébahir du talent étant accessible à tous, l’élite ne pourra désormais conserver son statut qu’en ayant le pouvoir d’imposer au vulgum pecus un truc improbable. L’élitisme en matière de perception artistique appartiendra alors à celui qui peut élever la paire de godasses au rang d’œuvre majeure. Et pour ceux qui donnent dans le démesuré, à celui qui emballera le Pont Neuf dans une toile (Christo – 1985) et décréter que l’on atteint l’excellence, la primauté du talent.
Au secours.

Œuvre éphémère
La grande caractéristique de notre époque est de ne plus œuvrer pour les générations futures. C’est normal, plus on prend conscience du futur qu’on leur prépare moins on a envie d’y aller. Autant nos anciens pouvaient s’engager dans une entreprise sans en connaître l’aboutissement et en recueillir les lauriers, autant notre époque veut posséder dans l’instant, jusqu’à la notoriété, sans s’inquiéter de ce qu’elle laissera à la postérité.
A croire que la  seule chose qu’on laissera à nos enfants, et cela pour une durée qui se chiffre en milliers d’années, ce sont nos décharges empoisonnées dans lesquelles ils ne pourront plus mettre les pieds. Le Divin a peut-être d’ailleurs entrevu la chose puis qu’il a appliqué un premier correctif à la dérive de l’espèce humaine consistant à faire baisser le taux de fertilité masculine.


Il faut jouir de tout, tout de suite, sans s’occuper de ce dont demain sera fait. C’est le summum de l’égoïsme, c’est le moi-maintenant. Le toi-demain, je m’en moque.
Jeff Koons
Versailles 2012

En premier stade de l’expression avant l’écriture, l’expression artistique de nos ancêtres a servi à décrypter beaucoup de choses sur leur mode de vie au fil des siècles, depuis que l’homme a fait de son intelligence un critère de supériorité sur l’animal. Mais que retiendra l’histoire de notre art contemporain ? Qu’apprendront nos descendants à la seule étude de notre production artistique ? Il y a fort à parier qu’ils diagnostiqueront là le point de départ du mal qui les ronge et concluront aux prémices de la dégénérescence mentale et de régression conceptuelle qui les amoindrissent. Ils toucheront du doigt les limites du repliement sur le droit-à-tout. Ô Egoïsme exacerbé, pourquoi ne m’as-tu pas ouvert à mon devoir d’enjoliver le monde.



Le prix d’une œuvre

Le quidam non instruit aux avantages de la connaissance artistique, un "ign'art" donc, confronté à un cercle de connaisseurs auto proclamés en matière d'art dit contemporain, devra se torturer les méninges pour trouver le qualificatif d’émerveillement ad ‘hoc, propre à travestir son incompétence en la matière, et exprimer du même coup son ressenti sans passer pour le péquenaud de service. Vous l’imaginez attendu au coin du bois par les affranchis, experts en monochrome et autre compression hasardeuse.
Alors qui détient la vérité, le péquenaud ou l’affranchi ? Mais encore, contempler, s’interroger, critiquer, admirer, est une chose. Mais acheter, en voilà une autre. Et surtout à quel prix ?
Regard langoureux

Premier principe : c’est forcément cher. Le prix d’une œuvre ne peut être que très élevé, sinon son auteur se classerait d’office dans la catégorie des artistes au rabais. C’est donc ce dernier qui situe lui-même le fruit de son talent entre le détritus et l'œuvre majeure. C’est à lui de placer le curseur qui, sur l’échelle du talent, va de l’insignifiant à l’artiste de génie. Autant commencer fort, même si cela prend un peu plus de temps pour atteindre la notoriété. Après, c’est affaire de circonstance et de hasard, on dira donc de chance. Quand il aura affiché la fourchette tordue à 2000 €, il faudra trouver le gogo qui le hissera au rang de maître en lui faisant le chèque approprié.
Deuxième principe : relations et carnet d’adresses. C’est là que ça se complique. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir Bernard Arnaud dans le répertoire de son smartphone et de retrouver ainsi sa fourchette tordue intronisée dans le musée de la fondation Louis Vuitton.
Car il faut bien se le dire, ce qui n’est pas encore une œuvre du seul talent de son concepteur peut le devenir du fait de son sponsor, qu’en matière d’art on appelle mécène. L’habileté commerciale de ce dernier se substitue au talent de l’artiste qui, quant à lui, est forcément défaillant. Pensez donc, pour faire d’un objet insignifiant une œuvre d’art, il faut nécessairement le décréter, cela ne vient pas tout seul.
Troisième principe : n’appelez jamais un chat un chat. La fourchette tordue deviendra « soupir », « transcendance » ou « regard langoureux ». C’est comme sur la carte du chef étoilé. Vous ne ferez pas s’attabler un badaud pour un cannelloni sauce au chocolat, mais en revanche pour un « espoir de blé tendre en sa robe noire », il ne peut être que séduit. La déception surviendra plus tard, en deux temps. Le premier à la livraison du cannelloni sur la table par le serveur emprunté, on le comprend, le second à la lecture de l’addition. L’imagination ça se paie. Si ce n’est dans l’assiette, au moins pour le libellé de la carte.
Quatrième principe : persévérance. Les opportunités étant affaires de circonstance, au crépuscule de votre vie artistique vide de tout succès, il ne faut pas écarter l’idée qu’une notoriété du showbiz du moment, un people selon le terme en vogue, décide de contrarier une de ses relations en lui mettant dans les pattes un gros n’importe-quoi.  D’autant plus contrariant puisqu’offert en cadeau, donc impossible à mettre à la poubelle, sauf à construire un scenario improbable. C’est là que, fortuitement, alors que notre célébrité allait mettre un coup de pied dans le fruit de votre inspiration solidifiée à grand coup de marteau sur un fond de casserole, que personne n’avait remarqué jusqu’alors, et pour cause,  que l’idée géniale lui vient d’embarrasser son ami de ce qui vous débarrassera. Le cadeau offert par « untel-bien-en-vue-du-gotha » deviendra dans l’instant «  the » cadeau d’un dénicheur perspicace.
Cinquième principe : conviction. Ne pensez à aucun moment que ce que vous avez extirpé de votre concasseur d’occasion deviendra un objet de convoitise si vous-même ne le considérez pas déjà comme tel. Là encore, c’est le vendeur, c’est-à-dire vous, qui par votre surenchère inspirée en ferez le dernier objet de vanité dont nul ne peut plus se passer.
Sixième principe : la signature. Il faut bien entendu que l’objet sublimé par le fait d’avoir été acquis par le « untel-bien-vue-du-gotha » emporte votre signature. A défaut vous aurez du mal à vous raccrocher au succès de votre rescapé de l’incinérateur. Il faut donc appliquer un signe distinctif à tous les déchets auxquels vous espérez un avenir prometteur. Pas le patronyme de votre état civil, bien entendu, vous risquez de vous faire verbaliser par la police de la propreté quand, de guerre lasse, vous aurez décidé de vous en séparer réellement en le jetant au hasard. Ces fonctionnaires tatillons et terre-à-terre n’ont pas la même conception de l’art que les galeristes de renom.


Les promoteurs

Ne perdez pas la boule

De tous temps les artistes ont été supportés par des mécènes. François 1er, en important les œuvres de la Renaissance italienne, et leurs auteurs par la même occasion, jalousait leur talent. Il voulait stimuler la création française et la faire surpasser sa devancière transalpine.
Une œuvre figurative est l’expression d’un talent artistique. Elle se vend d’elle-même. Une œuvre abstraite est l’œuvre d’un talent commercial. C’est le boniment de son promoteur, de son mécène, qui en fera une œuvre justement.
Ce qui dérange les connaisseurs auto-proclamés avec le figuratif, c’est vous et moi, les vulgaires que nous sommes, capables de faire œuvre d’émerveillement à leur égal, de nous hisser à leur niveau pour reconnaître la prouesse de l’artiste. Il a donc fallu trouver un domaine où la raison du plus fort appartiendra à celui qui parlera le plus fort justement. L’art abstrait était tout désigné pour recréer cette élite. Celle-là même qui s’organise en détentrice de la vérité en matière de signification, forcément fumeuse, et en matière de qualité forcément inaccessible au non accrédité.



Certains se vantent de ne pas acquérir d’œuvres chères. Ils se placent ainsi en découvreurs de talents. C'est un pari à la fois prudent et d'une grande prétention. En cas d'échec ils seront félicités pour avoir donné leur chance aux débutants. En cas de succès, ils s'approprieront alors le bénéfice de la découverte en ayant appliqué leur notoriété à la promotion du jeune talent. On dira alors que ladite pièce qui a réussi à émerger du magma des promis-à-la-décharge est extraite de la collection de...
 C'est à la fois du dernier chic et d'une grande habileté dans le commerce de la notoriété.
Oeuvre
clandestine
La Punta della Dogana
Les grands promoteurs de cette forme d'art tiennent un comptabilité scrupuleuse de leur collection. Moins pour le regard indiscret du fisc que pour ne pas y voir accéder des œuvres clandestines. Imaginez en effet que le personnel de ménage oublie un soir un seau et sa serpillière au beau milieu du nouveau musée Pinault, la Punta della Dogana à Venise. Imaginez qu'à l'ouverture, les badauds, non prévenus de l'oubli car personne ne l'est bien entendu, s'extasient devant cette pièce de la collection en l'affublant de ce qu'ils se croient obligés de déblatérer pour exprimer un ressenti un tantinet tiré par les cheveux. Nous voilà donc devant une oeuvre non inscrite au catalogue et qui d'un instant à l'autre prend une grande valeur artistique. C'est comme cela que naissent les artistes dans le registre de l'art abstrait. C'est quand même assez bluffant, non ?

Extrapolation

Déchargé du fardeau de devoir justifier d’un talent pour créer, l’artiste new age peut donner libre court à ce que la modernité lui autorise désormais : s’exprimer sur les murs de la cité. Car la grande caractéristique de l’époque est de ne plus rougir de ses carences.  Et de s’afficher désormais avec fierté dans la médiocrité, comme une revanche au talent trop longtemps adulé. C’est ainsi que des êtres dépourvus d’amour propre ouvrent leur porte à des caméras de télévision pour exposer la malpropreté de leur nid douillet.

Si tu n’es pas capable d’abattre ton ennemi, embrasse-le. C’est ainsi que, devant l’impossibilité d’enrayer l’emballement de la machine à produire des chef-œuvres, au point de ne produire plus que des sous œuvres, l’autorité en place n’a eu d’autre issue que de laisser polluer le paysage par les défécations mentales de cerveaux en décomposition. Et donc de leur conférer une raison d’être. Elle a alors classé les souillures qui couvrent désormais les murs de nos cités modernes dans le domaine de l’art. L’affaire est pliée pour les siècles des siècles. La démocratie c’est le triomphe de la médiocrité. Dommage que l’espèce humaine n’ait pas trouvé meilleur régime pour policer ses oyes et combattre ainsi leur propension à donner libre cours à leurs vices.
Projetons-nous dans l'avenir. Comme il fallait s'y attendre, la planète aura subit un cataclysme majeur destiné à faire un brin de ménage. Et lorsque le Créateur magnanime retrouvera son calme après avoir piqué sa rogne céleste, il désignera certainement quelques élus pour donner une seconde chance à l'espèce humaine. Restera aux heureux rescapés à repartir à zéro.
A zéro ? Pas tout à fait, car dans leurs déambulations abasourdies, en quête d’abri et autre subsistance, ils tomberont, entre deux lambeaux de murs couverts de ce fameux art du XXIème siècle, sur la fourchette tordue. Elle avait pourtant encore pris du crédit, puisque négociée à 53000 € par Sotheby's aux dernières enchères de Londres, avant le grand coup de torchon inhumain, puisque divin. Gageons qu’ils se réconfortent alors d’avoir sauvé une pièce de collection inestimable ou presque et se trouvent réconfortés de tomber sur la fortune pour tout recommencer. Espérons qu’ils sauront redresser ladite fourchette pour lui restituer sa vocation première : acheminer une portion de nourriture terrestre vers un corps affamé. La sustentation de l’esprit attendra une période plus faste. 
Il se diront alors que le confort a sa part de responsabilité dans les dérives spirituelles.





Allez tchao, les artistes qui s'ignorent !